EXPRESSIONS LIBRES
26 janvier 2021 (modifiée le 14 mars 2021)
Doit-on (et peut-on) interdire la pornographie ?
En
préambule, sortons de ce leurre qui consiste à croire que nos sociétés seraient
des sociétés de libre expression. Toute société moderne, quelque soit sa
nature, dispose d'un arsenal juridique intégrant des lois visant à interdire
ou réprimer l'expression de propos qu'elle considère comme dangereux pour
les fondements de son existence. Il va s'agir, selon les modèles, de réprimer
l'expression de propos considérés comme incitatifs à la haine, contraires
à un dogme religieux, ou hostiles à une certaine idée du patriotisme. La
question est donc plutôt de savoir: "dans nos sociétés d'expressions
contrôlées, la pornographie doit-elle faire partie des domaines, où l’on
s'interdit de toute interdire?"
Les sociétés occidentales ont généralement opté pour
une pornographie complètement libre dans ce qu’elle montre, mais avec une
restriction d’accès opposée au jeune public. Ainsi, tout ce qui est considéré
comme hors de portée des enfants n'est que très peu encadrée, au nom de
la liberté des adultes : le consentement de ceux qui le font, la liberté
de ceux qui le filment, le droit de ceux qui le regardent. Seules les formes
les plus abjectes (comme la nécrophilie ou la pédophilie) peuvent se voir
opposer le marteau de la loi. Une exception toutefois, le Royaume-Uni, qui
a établi une sorte d'index des pratiques ayant ou non le droit à la publicité,
et qui est à ce titre la seule nation occidentale a chercher à établir également
une protection des adultes.
Je pense cependant qu'une piste est à creuser, en considérant la pornographie
comme ce qu'elle est, un savoir un support addictif. Les
drogues dures et certaines drogues douces sont interdites, car le plaisir
qu’elles apportent est lourdement contrebalancée par la toxicité qu’elles
entraînent.
Bien sûr, interdire la pornographie, quoiqu'on pense
de l'idée, est techniquement impossible. Internet est la zone de non-droit
juridique la plus étendue de la planète. Des nations ont déjà tenté de contrôler
l'accès à la pornographie en ligne, mais les solutions pour contourner les
blocages se développent au moins aussi vite que ces derniers. Si jamais,
demain en France, tout site porno était supprimé, il ne faudrait pas longtemps
pour que tout le trafic soit dévié vers des sites étrangers. Sans compter
que tout est duplicable à l'infini sur le Net, ce qui rend la notion même
de suppression très relative. C'est pour cela que la solution majeure pour
protéger les enfants et les adolescents de l'influence de la pornographie,
à laquelle ils seront malheureusement exposés, reste l'éducation de ces
derniers à une autre discours sur la sexualité.
Maintenant, subir n'est pas accepter.
Vous avez le droit de trouver que la situation n'est pas normale, vous avez
le droit de dire que ce type de contenu ne passera pas dans votre vie ou
par votre foyer. Le porno est partout? Faites de votre vie un oasis. Installez
un contrôle parental, interdisez les contenus pornographiques à la maison.
En fonction de votre degré de sensibilité ou de militantisme, ne prenez
pas de billet de cinéma pour des films qui présentent des scènes explicites.
Autour de vous, des blagues sur la pornographie sont faites ? Laissez passer
les éclats de rire puis rappelez discrètement que, derrière les films pornos,
il y a des corps qui souffrent. Vous passerez peut-être pour le réac' ou
le coincé de service, mais vous serez raccord avec ce que vous pensez. Et
qui sait, vous pourriez trouver des appuis auprès de vos proches, qui n'osaient
pas jusque là afficher un tel point de vue.
Aujourd'hui, la vraie transgressivité, c'est ne pas regarder de la pornographie,
et d'assumer ne pas l'apprécier. Alors soyez transgressifs ! Refusez
le porno.
8 avril 2020.
Le jour où je n'ai pas rechuté.
J'approche de mes 40
ans, âge où seuls les vieux messieurs m'appellent encore jeune homme, tandis
que certains, parmi les plus jeunes, m'appellent déjà monsieur. J'ai ouvert
ce site il y a plus de dix ans, tandis que l'idée de sa création remonte
au moins à quinze, ce qui nous fait trois lustres. Car oui, un lustre, c'est
une durée de 5 ans. Donc, si vous fréquentez ce forum depuis le début, vous
pouvez commencer vos messages, en toute exactitude, par: "je viens
ici depuis des lustres".
Voilà également bien quinze ans que je n'ai pas consommé de pornographie.
Fondateur de cet espace, je suis aussi en toute logique le doyen de ses
sevrés. J'avais déjà gagné ma bataille lorsque j'ai ouvert ce forum, ce
qui explique sans doute que je n'y ai jamais conté ma propre histoire. Et
cette dernière n'est pas tellement différente de la vôtre: une adolescence
un peu solitaire, de la curiosité, une connexion Internet qui tient la route
et un manque total de prévention sur le sujet, encore plus à l'époque qu'aujourd'hui.
J'ai été un gros consommateur de pornographie de mes quinze à vingt-cinq
ans. J'ai vu des milliers d'images, des centaines de vidéos. J'ai stocké
du contenu à en remplir un disque dur, je l'ai sauvegardé sur des paquets
de CD. J'ai vu suffisamment de corps triturés pour saturer un cerveau. Suffisamment
pour faire dérailler une vie. Dieu merci l'intuition, tu m'as fait comprendre
que quelque chose clochait chez moi, et m'a poussé à lire, à étudier, à
creuser la question, à m'instruire pour devenir plus fort que la diarrhée
de pixels couleur chair que j'ingurgitais chaque soir.
J'ai finalement trouvé mon démon, lui ai donné un nom, l'ai affronté en
face et ait crée le www.pornodependance.com, un peu comme on grave sa victoire
dans la pierre numérique.
Aujourd'hui, quinze ans après, je n'ai plus vraiment de souvenir clair de
mes visionnages passés, juste quelques images inintelligibles en tête qui
ne se rappellent d’ailleurs jamais à moi. J'ai été le patient zéro de ma
propre théorie, je suis aujourd'hui la preuve que oui, c'est possible,
on peut s'en sortir. Alors accrochez-vous. Ce ne sera pas facile;
je le sais, je m'y suis moi-même pris à deux fois pour y arriver. Mais je
me félicite de pouvoir dire, qu’ aujourd'hui, j'ai été moins longtemps addict
que sevré. D'ailleurs, cela fait bien au moins un lustre que j'aurais pu
écrire ce texte, tant tout cela me semble loin dans le rétroviseur.
Aujourd'hui, la pornographie ne m'assaille pas, je viens très bien sans,
et n'éprouve nullement le besoin d'y retourner. Je suis plus saisi de longue
date par des pensées obscènes dans la rue, d'ailleurs comment ai-je pu en
avoir? Je n'ai aucun blocage parental sur mon PC, car je sais que cela ne
m'est pas nécessaire; je sais trop bien que la pornographie est comme un
égout dans un livre de Stephen King, si tu lui tends la main, elle t'attrapera
le bras.
Je partage aujourd'hui ma vie avec une femme qui connaît mon histoire, connaît
le www.pornodependance.com et son forum et a parfaitement compris que l'addiction
à la pornographie faisait partie de mon passé.
Alors, toi dans la rue, que tu m'appelles monsieur ou jeune homme, toi qui
vient tout juste de décider d'arrêter de consommer de la pornographie:
bravo à toi. Crois-y, crois-y fort, et un jour, tu n'auras plus
que quelques souvenirs vaporeux de ces corps attristés que tu regardais
encore hier soir. Et ça, rassure-toi, ça viendra bien avant des lustres.
25 novembre 2016.
Pornographie et réalité virtuelle: attention danger ?
Depuis quelques mois,
de nombreux articles fleurissent à propos du développement des technologies
de réalité virtuelle.
Le milieu du X s'intéresse de près à ce secteur. Il faut dire que la pornographie
a toujours été amatrice de nouvelles technologies, accompagnant le développement
du marché des VHS, puis des DVDs, et étant un secteur de première importance
sur Internet. De surcroît, les principaux leaders du secteur, faisant face
à une grave crise de leur modèle dû à la gratuité générale du porno en ligne
(dont une certaine partie provient du piratage de leur contenu) peuvent
y voir une occasion de se refaire une santé économique.
Petit rappel: dans un film tourné en réalité virtuelle, muni de votre casque
de visionnage, vous ne quittez jamais l'action quelque soit le mouvement
de vos yeux; le décor a en effet été filmé sous tous les angles que peut
couvrir votre champ de vision, avant d'être reconstitué informatiquement
par la suite. Par comparaison, au cinéma, il vous suffit de regarder à votre
gauche pour voir ce spectateur qui joue avec son téléphone portable, ou
à votre droite pour voir cet autre qui papote avec son voisin. En regardant
au sol, vous voyez les pop-corns tombés de votre boîte; au-dessus de l'écran
vous pouvez voir les luminaires "issues de secours" de la salle,
etc. Dans un film en réalité virtuelle, vous êtes dans l'action tant que
le film dure et tant que vous n'avez pas arrêté le casque; vous êtes littéralement
immergé dans le film.
Je parlerai ici une vidéo qui tourne en ce moment sur Internet, où l'on
diffuse à quatre personnes (trois hommes et une femme) une vidéo montrant
l'effeuillage d'une jolie jeune femme. La vidéo montre sur sa partie gauche
les réactions des spectateurs, et sur sa partie droite, l'effeuillage en
question. Les trois spectateurs hommes semblent séduits par la prestation
de l'actrice, tandis que la spectatrice femme réagit avec plus de dégoût.
Puis par une sorte de morphing, la jolie effeuilleuse fait place à un homme
plus âgé et ventripotent, vêtu certes de la même lingerie fine mais fort
loin des canons standards de la séduction. Les réactions s'inversent, les
spectateurs hommes semblent ressentir de la gêne et du dégoût, détournant
le plus possible leur regard de l'homme âgé. Ils semblent désormais craindre
la proximité de l'homme, qui continue à se déshabiller devant eux. Leur
malaise est clairement visible, mais pourtant, aucun n'arrête son casque.
Alors que l'expérience qu'ils vivent leur semble désormais hautement inconfortable,
leur immersion est telle qu'aucun ne songe simplement à quitter le film.
Ces trois jeunes spectateurs, bien que peu amateurs de ce qu'ils voient,
semblent prisonniers de l'action, et ne plus avoir quelque part conscience
qu'ils n'en font pas pleinement partie.
Au-delà de l'aspect humoristique qu'elle recherche, cette vidéo nous montre
bien l'attraction que peut exercer sur nous la technologie virtuelle; et
il ne s'agit ici que d'un simple vidéo de strip-tease, sans démonstration
d'acte sexuel.
Or, cette technologie connaît actuellement une limite, et de taille: contraintes
techniques actuelles obligent, il n'est pas encore possible de se déplacer
dans le décor, comme on peut le faire par exemple dans un jeu vidéo. Les
films en réalité virtuelle vous mettent donc généralement dans la peau d'un
acteur-spectateur immobile, ce qui pour le monde du porno, va essentiellement
constituer en des scènes de voyeur, de fellation ou de strip-tease comme
celle évoquée. L'interactivité n'est donc pas encore possible, ce qui bride
encore le potentiel immersif de la technologie; et pourtant, le danger est
déjà bien là, comme le montre les réactions des spectateurs devant la vidéo
de l'effeuilleuse devenu effeuilleur.
Je citerai pour terminer, un article d'une rédaction française spécialisée
dans le hi-tech, dont les membres ont été invités à tester un film de réalité
virtuelle dans les locaux d'une célèbre société de production de films porno.
Leur impression sur l'expérience est la suivante:
"L'avis final est plutôt positif. Si la vidéo est de qualité et que
l'on s'y croirait réellement, le manque d'interactivité et le fait de regarder
ces vidéos en présence d'autres personnes a un peu changé la donne. Les
vidéos sont excitantes et donnent envie de toucher et palper, ce qui s'avère
légèrement frustrant une fois le visionnage terminé".
Les membres de cette rédaction reconnaissent donc déjà dans cette technologie
une dimension frustrante; or la frustration est le moteur de l'addiction.
Le développement d'une interactivité ne répondra pas à cette frustration,
mais au contraire l'amplifiera. Les dépendants qui consomment des liveshows
et des webcams érotiques ne sont pas moins frustrés que ceux qui ne font
que regarder des films, ils sont au contraire plus accrocs à cause de cette
forme d'interactivité accrue que leur propose de tels services.
Le porno en réalité virtuelle va donc très probablement devenir la prochaine
drogue dure du dépendant. Il y a donc malheureusement énormément à craindre
pour le futur, tant la technologie semble séduisante.
21 novembre 2016 (modifiée le 14 mars 2021)
Gare aux copieurs !
Quand vous publiez en ligne, vous devez malheureusement vous attendre à ce que votre travail soit repris par d'autres à leurs propres comptes. J'ai le souvenir d'un article du www.pornodependance.com qui avait été copié-collé dans son intégralité sur un forum, sans citation de la source, si bien que le posteur semblait être le rédacteur des propos ainsi repris.
Mais malheureusement, un cap vient d'être franchi: une étudiante, dans le cadre de sa formation, a été amenée à rédiger un mémoire traitant de la pornodépendance. J'accueille toujours avec bienveillance les demandes des étudiants, assez nombreuses sur le sujet, car je sais que certains ont des projets professionnels qui les amèneront à travailler plus tard auprès d'un public de pornodépendants.
Nous avons donc très courtoisement échangé sur le thème, et j'ai accepté qu'elle prenne contact avec des membres du forum pour ses recherches. Elle a d'ailleurs retenu les témoignages pertinents de plusieurs des membres les plus actifs de la communauté pour les intégrer à ses travaux.
Cette étudiante m'a fourni à ma demande son mémoire, et j'ai constaté avec effarement et colère que des paragraphes entiers du www.pornodependance.com y étaient repris, sans aucune citation du site. Quelques verbes et sujets avaient bien été changés, des bouts de phrases avaient bien été rapprochés pour en créer des nouvelles, mais c'était bien là, sous mes yeux, des pans entiers d'articles reproduits quasiment à l'identique. Le www.pornodependance.com était bien cité ici et là, mais uniquement quand il s'agissait de donner l'origine d'un témoignage; l'auteur s'attribuait comme le résultat de ses recherches personnelles, le fruit de tant d'années de travail publié ici.
Les ouvrages médicaux, articles de presse, travaux scientifiques étaient par contre eux correctement cités dans ce mémoire: sans doute cette étudiante craignait-elle que mon modeste site n'ait pas, auprès du jury devant évaluer son travail, le lustre des grandes études universitaires. En tout cas cette personne a été validée par ses pairs et exerce aussi comme conseillère conjugale et familiale; à 75 € la séance d'une heure, le larcin a été profitable.
Au-delà du désagréable sentiment d'avoir été pillé, ce genre de comportement ne peut que décourager les volontés de ceux qui, comme moi, investissent temps et argent dans des projets qui leur tiennent à coeur, et qui, j'en ai la prétention, sont d'utilité publique.
13 septembre 2016.
L'origine du Monde vs Mémoire de l'origine: de l'art de la pornographie.
L'Origine
du Monde est une des toiles les plus célèbres de Gustave Courbet. Conçue
en 1866, elle représente un nu féminin, du haut des seins jusqu'aux cuisses,
l'oeil du spectateur étant ici essentiellement attiré par le sexe du modèle.
Le tableau, qui a connu une histoire sulfureuse marquée par plusieurs décennies
d'une quasi clandestinité, est aujourd'hui considéré comme l'un des chefs-d'oeuvre
de l'histoire picturale française. La toile est visible au musée d'Orsay,
à Paris, depuis 1995.
Le 29 mai 2014, la plasticienne luxembourgeoise Deborah De Robertis s'assoit
devant le tableau, à même le parquet du musée. Singeant le modèle du tableau
- le seul vêtement qu'elle porte est une robe dont la couleur rappelle celle
du cadre de l'oeuvre -, elle s'installe les jambes écartées, et à l'aide
de ses mains, expose la vue de sa vulve aux visiteurs; le tout accompagné
d'un message préenregistré de sa voix passant en boucle sur l'Ave Maria
de Schubert. Elle dénommera elle-même ultérieurement cette performance "Mémoire
de l'origine", en écho à l'oeuvre de Courbet.
Le personnel de sécurité de l'établissement, qui n'avait évidemment pas
été prévenu de la performance, intervient assez rapidement; Deborah de Robertis
ne quittera toutefois le musée qu'après intervention des forces de police.
Gardée à vue pour exhibitionnisme dans un lieu public, l'histoire se finira
pour la plasticienne par un simple rappel à loi (mesure se caractérisant
par l'absence de peine et d'inscription au casier judiciaire).
Cette performance a déjà été la source de nombreux écrits et débats, quant
à son éventuelle portée artistique voire féministe.
Personnellement, je trouve que par son action, Madame De Robertis offre
une parfaite illustration de la frontière séparant l'art de la pornographie,
même si, on le devine bien, telle ne devait pas être pas son intention.
Quand Gustave Courbet peint L'Origine du Monde, il peint le corps d'une
femme, visible des cuisses jusqu'au dessus de la poitrine, allongée sur
un lit. La position prise par le modèle dégage un certain naturel; certes
ses jambes sont écartées, mais il s'agit ici d'une position lascive, d'un
confortable abandon du corps. La nudité s'explique par le caractère intime
de la scène, ce lit étant peut être celui de la chambre à coucher de la
femme ainsi peinte. C'est donc un instant de féminité que saisit au vol
Courbet, et non une volonté d'indécence de la part de son modèle.
En ne peignant pas le haut du corps de son modèle, Courbet laisse l'imaginaire
du spectateur combler les vides. Cette femme, dont Courbet n'a jamais révélé
l'identité -des spéculations à ce titre existent toutefois -, est peut être
une parente, une amie, une compagne. Et de par l'immortalité du sujet, cette
femme peut être la soeur, l'amante, la maîtresse, la mère de celui ou de
celle qui regarde la peinture.
D'ailleurs, que fait cette femme? A quelle activité cette lascivité est-elle
un prétexte? Cette femme observe-t'-elle l'artiste, discute-t-elle avec
lui? Echange-t'elle quelques courtoisies avec un tiers dans la pièce? On
ne voit ni la tête, ni la bouche, ni les bras, ni les mains, rien qui serait
susceptible d'apaiser notre curiosité. Alors la tête prend le relais, et
enclenche un océan de suppositions, naissant dans le mystère entourant ce
sexe inconnu.
Quand Madame De Robertis pose les jambes écartées, utilisant ses mains pour
mieux exposer sa vulve, elle montre exactement tout ce que Courbet n'a pas
voulu peindre.
Là où on pouvait imaginer le modèle de Courbet comme presque surprise par
le peintre, Madame de Robertis impose sa pose à son spectateur. Elle n'existe
que par cette posture, ne laisse aucune ambiguïté quant à ce qu'elle est
en train de faire: elle offre son sexe aux regards et objectifs des visiteurs.
Cette exhibition appuyée ôte toute naturalité à cette pose au confort improbable;
là où on pouvait voir chez Courbet une ode sincère à la féminité, on ne
voit ici que l'énième exposition d'un sexe dénudé, qui se saura célèbre
dès le lendemain sur Internet.
En se représentant ainsi en plan large à son public captif, à visage découvert,
Madame De Robertis personnalise terriblement son action, et ne prétendre
à l'universalité de la représentation. Ce que je vois ici est le sexe de
Deborah De Robertis, et uniquement le sien. Elle n'est pas, pour reprendre
les mots de la bande enregistrée accompagnant son action, "toutes les
femmes". Elle n'est que cette femme, cette femme qui pose, qui se montre,
elle est une de ses femmes qui se montre, quelles qu'en soit les raisons
par lesquelles elle explique son action.
Ainsi, là ou Courbet oeuvrait à laisser le mystère et le fantasme s'installer
entre les couches de peintures, l'univers proposé par Madame de Robertis
semble déjà ici entièrement dévoilé. La seule surprise venait du caractère
non autorisée de la prestation, le Musée d'Orsay n'ayant évidemment pas
été informé au préalable d'un événement qu'il aurait interdit. Mais cet
effet de surprise a cessé dès l'installation du modèle, et a définitivement
fané quand photographies, enregistrements vidéos et articles de presse ont
été publiés en ligne.
L'oeuvre de Courbet garde pour elle l'éternité de l'art qui intrigue et
questionne; Deborah De Robertis ne fait qu'utiliser sa plastique pour créer
une sensation médiatique, ce qui reste un épiphénomène dans un porno-monde
où voir une vulve grande ouverte, relève hélas d'un certain conformisme.
17 octobre 2015.
Non merci Jacquie et Michel.
Je relisais récemment une étude IFOP datée d'avril 2014, portant sur les
habitudes de consommation de pornographie des Français. On y explique que
la catégorie la plus prisée des amateurs de porno était désormais, justement,
le porno amateur. J'ai ressenti comme un coup de vieux: quand j'étais moi-même
consommateur, le nec plus ultra était la catégorie "interracial".
Il semble donc qu'on soit passé de l'exotico-porno discount, au tripotage
domestique en studio HLM. D'Emmanuelle à du cul filmé à la GoPro façon reportage
de fin de journal télévisé de 13h.
On pourrait croire qu'il s'agit là d'une révolte du consommateur vers un
"produit" plus authentique, une lassitude vis à vis du prêt-à-branler
artificiel, un goût retrouvé pour un porno "label rouge". Une
version sexy de l'évolution consumériste, celle-là même qui nous a amené
du Banga au bio.
Mais je suis triste, car j'y vois surtout une défaite de la sexualité, la
vraie, celle qui commence par un trait d'humour avec la voisine dans le
local poubelle de l'immeuble, ou par deux trois brèves échangés avec le
témoin du mariage de sa meilleure amie, qui est quand même super sexy (le
témoin, pas la meilleure amie, qui peut tout aussi être sexy, mais ce n'est
pas la question).
On s'isole, on se camisole, on se réfugie plus facilement derrière l'écran
que dans l'écrin du lit d'une personne qu'on aurait pu aimer. Plus les gens
baisent à l'image, moins on leur parle in real life. Alors comme le sexe
de tous les jours, ce n'est plus tous les jours, il en devient exotique.
Et on compte sur Jacquie et Michel pour nous faire fantasmer sur la fille
du palier d'en face, elle qu'on n'ose plus inviter à aller voir le dernier
Paranormal Activity. Moi cela me fait peur, bien plus que le dernier Paranormal
Activity.
27 février 2014.
Droits de réponse à l'attention de M. David COURBET
Le 26 février, le site Le Plus du Nouvel Obs a publié la tribune de M. David Courbet, auteur entre autres de l'ouvrage Féminismes et pornographie, aux Editions La Musardine. Ce dernier déroule dans sa chronique un discours pro-porno, et surtout "anti porno-dépendance" où il fait référence notamment au www.pornodependance.com.
Il est important de resituer le contexte: il y a quelque temps, le même site a publié le témoignage courageux d'un pornodépendant, Paul B. Paul B. citait le www.pornodependance.com, puisqu'il est lui-même membre de son forum. Pour être précis, c'est via le forum du site que Paul B et la journaliste du Plus sont rentrés en contact.
J'ai souhaité apporter un droit de réponse aux propos de M. Courbet, qui sont clairement mensongers, ainsi que diffamants au vu du travail réalisé ici. Paul B., connu sur le forum sous le pseudonyme de Néo PMD, a également souhaité publier un droit de réponse.
L'intégralité de ces deux droits de réponse est accesible ici.
04 novembre 2013.
Causeur toujours, tu ne m'intéresses pas.
L'information fait déjà le buzz sur Internet, et d'autres l'auront déjà bien commenté avant moi. Dans le magasine Causeur du mois de novembre 2013, le lecteur aura le "plaisir" de découvrir "Le manifeste des 343 salauds", signé d'hommes ayant ou ayant eu recours aux services de prostituées, ou tout du moins se positionnant en faveur de la prostitution*. Tous se positionnent en faveur d'un droit très masculin, à se payer de la chair femelle.
Un texte court (moins de vingt lignes), signé de dix-neuf plumes dont certaines
médiatiquement connues - d'ailleurs, si les 324 autres signataires pouvaient
avoir l'obligeance de revenir du bordel pour indiquer leur nom, ce serait
fort aimable.
Ainsi, selon ces messieurs, le top du top de la pensée libertine (ou est-ce
de la pensée libérale?) c'est de reconnaître le droit des femmes à voir
leur corps loués au bon désir des hommes. Rien de nouveau sous le soleil,
l'air est chanté depuis des décennies par les pornographes, dont certains
affirment encore que le progrès réside dans le droit à violenter, mépriser,
insulter le corps des femmes - fais moi mal parce que le je veux bien, en
somme.
Ce court récit sent bon le coup médiatique (Causeur, autrefois uniquement
en ligne, se lance dans la presse papier, secteur économiquement moribond;
toute publicité est bonne à prendre), et surtout pue le fantasme moisi.
De ce gâchis d'encre suinte le fantasme mort d'une prostitution très marquée
par la littérature du 19ème siècle, peuplée d'opulentes filles de joie de
maisons closes où il faisait, c'est sûr! sûrement bon vivre.
Un fantasme qui pourtant n'avait déjà plus cours en 1946, quand Marthe Richard
obtint la fermeture des bordels en autre pour des raisons de salubrité publique.
La réalité de la prostitution, ce sont le trafic des blanches, les proxénètes mafieux, la misère au coin des rues.
Heureusement, nos joyeux lurons en ont conscience, et tiennent à condamner toute forme de trafic, dont la responsabilité relève selon eux de la seule "puissance publique", et surtout pas du client consommateur qui cautionne tout le système. Le malheur des autres est bien peu de choses si j'arrive à m'en laver. Ce qui n'empêche pourtant pas nos hérauts de s'insurger contre l'entre-mise des députés qui "édictent des normes sur nos désirs et nos plaisirs". La puissance publique découle pourtant de la loi, adoptée par les assemblées. On n'est pas à une contradiction près.
Ce genre de tribune s'inscrit dans le contexte actuel, de dénégation perpétuelle de tout ce qui peut représenter une réflexion féministe n'allant pas dans le sens du tout libéral. Car la seule liberté que défendent ces messieurs, ce n'est pas celle des femmes à vendre leur corps, mais bien celui des hommes à l'acheter. Le consentement de la prostituée vient de la misère dont laquelle elle est plongée; lorsque ramener de l'argent est une question de vie ou de mort, il est facile d'être consentante.
Refusons le droit à l'indigne. Ne consommons pas de corps, ni dans la rue, ni dans le porno.
* Pour ceux qui souhaitent prendre connaissance du texte publié par Causeur, le magazine l'a édité en ligne http://www.causeur.fr/touche-pas-a-ma-pute.
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