PROTÉGER SES ENFANTS DE LA PORNOGRAPHIE

 

 

 

Je ne vais pas ici diaboliser le Net, ce qui serait à la fois stupide et inapproprié sur un espace qui existe grâce au réseau mondial. Internet est un média formidable, donnant l'accès à une richesse infinie d'informations . Mais la croissance exponentielle de la Toile et le vide juridique abyssal qui y règne, en font une auberge espagnole où l'on peut trouver le meilleur, comme le pire.

Si vous avez des enfants mineurs et en âge d'utiliser un clavier, alors vous savez déjà que le Net fait partie intégrante de leur vie. Tout enfant né après l'an 2000 a été biberonné à la multiplicité des écrans. Ces "générations connectées" sont exposées à tous les dangers du Net: contenus pornographiques ou violents, approches par des 'invidus malintentionnés, diffusion d'éléments privés ou de coordonnées personnelles. Votre rôle, en tant que parent, est précisémment d'éviter que vos enfants tombent sur le pire, tout en les préparant à gérer toute éventuelle exposition à des contenus inappropriés.

 

Le présent article traitera exclusivement du risque encouru pour vos enfants, au gré de leurs différentes navigations, de rentrer en contact avec du contenu pornographique, ou d'être sollicités par des individus aux intentions malsaines. Il s'agit ici de vous aider à fournir à vos enfants un discours critique sur ce que montrent les écrans, afin qu'ils ne soient pas eux même les prisonniers du dogme des images.

 

I. LES DANGERS DE LA PORNOGRAPHIE SUR LES ENFANTS

 

A. Expositions volontaires et involontaires

 

"Les parents ont du mal à imaginer que leurs enfants puissent regarder du porno en leur absence", explique le journaliste Jaques Henno (A). En effet, généralement, les parents préfèrent croire que leurs enfants sont indifférents aux questions sexuelles. Une erreur d'appréciation qui s'explique beaucoup par cette part inconsciente chez tout parent, ne pas voir son enfant grandir, et d'espérer le voir rester le plus longtemps possible à l'âge de l'innocence.

 

Mais dans notre société ultramédiatisée, l'enfant comprendra bien avant l'adolescence qu'il existe des supports graphiques représentant des gens ayant des relations sexuelles: la pornographie. Et comme pour toutes les choses qui lui sont interdites par les grands, il sera attiré par cela.

 

Jusqu'à la fin de l'enfance, les enfants ne chercheront généralement pas à visionner de la pornographie, par obéissance à leurs parents, ou foi dans le discours de prévention qu'ils développent. Lorsqu'ils utilisent un ordinateur, les enfants comprennent et généralement acceptent que certains sites leur soient bloqués par un proxy ou un logiciel de contrôle parental. L'enfant d'ailleurs peut même se sentir rassuré par la présence de tels systèmes de protection, qui lui rappellent que ses parents sont "derrière lui".

 

Lorsqu'un enfant tombe sur un site pornographique, c'est donc généralement plutôt par inadvertance, au détour d'un surf qui de clic en clic aura amené tellle ou telle page inconvenante à s'ouvrir; ou bien alors c'est en découvrant le matériel possédé par les plus grands (répertoires sur le disque dur qu'on croyait inaccessibles, DVD oublié dans le lecteur du salon, revues qu'on pensait mieux cachées...). L'enfant peut aussi entrer en contact avec la pornographie en surprenant les plus grands en train d'en visionner, sur l'ordinateur ou la télévision du salon. Il pourrait alors chercher à renouveler ce visionnage seul afin d'accéder lui aussi à ce "loisir de grands".

 

TEMOIGNAGES ISSUS DU WWW.PORNODEPENDANCE.COM

 

Témoignage de Elsangre, 18 octobre 2019

"J'ai aujourd'hui 23 ans et cela fait donc 10 ans que je regarde du porno et me masturbe quotidiennement. J'ai découvert ça en discutant avec un copain de mon collège qui m'a expliqué sur quel site aller et comment faire, bref vous vous doutez bien que dès que je me suis retrouvé seul devant un ordinateur, je suis allé voir ce qu'était ce fameux porno. Puis la semaine suivante, même situation et rebelote. (...) Avant ça j'étais un enfant énergique, agité, un peu timide, mais souriant et agréable. Puis, plus je plongeais dans l'addiction, et plus je me renfermais sur moi et je devenais une larve (...) Le temps passe, aucune copine à l'horizon et toujours mon existence malheureuse et misérable. Timide, introverti, une tendance à me laisser marcher dessus aussi. Une vraie loque. J'ai l'impression que ces 10 années ont été exactement les mêmes et qu'il n'y a rien à en garder ou aucun bon souvenir".

 

Témoignage de Théo M, 30 août 2019

"Mon histoire est celle d'un enfant de 12-13 ans qui découvre sa sexualité (...) Un jour je suis allé jouer aux jeux vidéos et dormir chez un ami ayant le même âge que moi. Pendant la soirée il a commencé à me montrer un court extrait de film pornographique (...) J'ai trouvé ça dégoûtant et je refusais de continuer de regarder (...) Un beau jour je décide par curiosité de visiter un site pornographique. Je me demandais si j'allais trouver ça encore dégoûtant comme la dernière fois (...) Je ne connaissais même pas l'éjaculation (...). Maintenant que j'y pense je me dis que ce n'est pas naturel du tout à cet âge-là et à ce stade de développement là d'être exposé à ce genre d'images et d'émotions qui vont avec".

 

Témoignage d'Excelsior, 4 mai 2019

"Mon premier porno, je l'ai vu à l'âge de 10 ans. Mon frère, qui avait 17 ans à l'époque, avait laissé traîner une VHS dans sa chambre (...) Cette vidéo sera la germe qui va me valoir 20 ans de malchance et de mauvaise expérience".


Témoignage de Skaribou, 8 janvier 2014

"J'ai 25 ans et je consomme du porno depuis mes 12 ou 13 ans. Depuis la même période j'en dessine, ce qui a un aspect plus "interactif" avec mon addiction. Je suis (enfin j'essaye) dessinateur pro, et le porno m'a déjà pris énormément. (...) J'ai foiré énormément de choses à cause du porno. J'ai l'impression de n'avoir eu aucune vie amoureuse et sexuelle, d'avoir loupé et foiré des opportunités professionnelles à cause du porno. Ou plutôt de mon addiction au porno. J'en suis responsable. J'ai honte, je me sens terriblement bas et en colère depuis longtemps. Et surtout j'en ai marre de me sentir comme ça (...) 12 ans de perte de temps, bon dieu... c'est trop!!!"

 

Témoignage de Blutch, 4 janvier 2014
"Je suis porno-dépendant. Je suis tombé dedans quand j'étais petit (comme Obélix lol). J'ai toujours été très curieux et vers l'âge de 9-10 ans, en fouinant dans la chambre d'un de mes grands frères, je suis tombé sur une VHS et des magazines porno. La première ne posait pas de problème, mes parents n'avaient pas de magnétoscope. Mais les magazines m'ont intéressé très fortement. J'ai même commencé la masturbation à ce moment là. C'est venu tout seul. Et voilà. Le mal était fait. Ensuite, au fil des années, la recherche s'est accentuée".

 

 

 

Citons aussi le cas des enfants qu'une digue éducative trop relâche ne protégera pas, et qui chercheront à visionner du porno malgré l'interdit parental. On trouve là les enfants manquant de barrières-cadres, ceux submergés à la maison sous les écrans, et ceux entrés dans une phase précoce d'adolescence.

 

Le visionnage volontaire interviendra plutôt à l'adolescence, qui est l'âge auquel l'individu se dresse plus volontiers contre les règles qui lui sont imposées. Visionner de la pornographie devient alors un moyen de braver la censure parentale à peu de frais. Egalement, l'éveil à la sexualité de l'adolescent va le pousser à s'intéresser la pornographie, qui de prime abord, en tant que représentation d'une forme de sexualité, pourrait lui sembler à même de répondre aux questions qu'il se pose.

Si vous êtes intéressé par ce thème, un article du site est spécifiquement dédié à la façon d'aborder la question de la pornographie avec un adolescent.

 

 

B. Les notions de souvenir conceptuel et de discernement relatif

 

Contrairement à une idée reçue, l'enfant n'est pas complètement ignorant des choses de la sexualité. Il comprend assez rapidement qu'il est issu de l'union de ses parents, même si il conceptualise très difficilement l'acte. Cette prise de conscience est de nos jours accélérée par la multiplication dans les médias des références sexuelles, amenant l'enfant à s'intéresser de plus en plus précocemment à ce genre de choses.

 

L'enfant ne comprend toutefois pas réellement la notion de plaisir sexuel, son propre éveil à la sexualité étant encore lointain. L'enfant petit (moins de 8 ans) continue, plus ou moins inconsciemment, de lier fortement l’acte sexuel à la fonction génitrice qui l'a engendré, comme le rappelle le psychiatre Serge Tisseron, cité par Jean-Charles Nayebi: "Alors que l'adulte, quand il voit de telles images, s'imagine dans la posture de l'un ou l'autre des participants, l'enfant petit, lui, y imagine d'abord... ses parents.". C'est le souvenir conceptuel.


Pour pouvoir bénéficier d'un développement psychologique serein, l'enfant a besoin d'être rassuré, et d'imaginer qu'il a été conçu avec amour et tendresse, ou du moins dans un plaisir partagé. Cependant, les enfants n’ont qu’un « discernement relatif », c'est-à-dire qu'« ils prennent pour vrai ce qui s’affiche à l’écran » (B). Un enfant de moins de huit ans n’a pas la maturité nécessaire pour comprendre que les images pornographiques sont des mises en scène entre adultes rémunérés pour cela. Il y voit juste deux personnes en train de faire l’amour, pour de vrai. S'il voit dans cet acte de la violence et du sadisme, il va s'imaginer être lui même issu d'un acte barbare, et développera une forme de refoulement vis-à-vis de sa propre conception. Or, la pornographie moderne est essentiellement basée sur la violence et l'utilisation du corps de l'autre.

 

C. La destruction de la pudeur et de l'intime

 

En grandissant, les enfants développent les concepts de pudeur et d'intimité. La pudeur permet de donner au corps sa dimension intime, dont va découler l'idée qu'il faut respecter son propre corps; puis, à l'adolescence, c'est par la pudeur que l'on comprend que le partage de l'intimité se réserve à un partenaire sexuel choisi.

 

Pour l'enfant, la construction de l'intimité passe aussi par l'évitement des "affaires des grands". Généralement, quand un enfant surprend ses parents en train de faire l'amour, il ne sent pas à l'aise dans ce rôle de voyeur involontaire. Puis, lorsqu'il a saisi de quoi il s'agissait, il se garde généralement d'y retourner, dès lors qu'il en pressent les signes - isolement des parents, heure tardive, etc. L'enfant refuse cet attentat visuel à sa pudeur, car il ne souhaiterait pas être lui-même victime de voyeurisme: il accepte le besoin d'intimité de ses parents parce qu'il ressent aussi ce besoin pour lui-même.

 

Mais si l’enfant est exposé régulièrement à la pornographie, il ne peut développer ni concept de pudeur, ni concept d'intimité. Cela peut avoir de graves conséquences:

 

- Dans certains cas, l’enfant intériorise une vision du corps comme marchandise, comme simple objet ludique, ou comme moyen d'attirer l'attention. N'accordant plus de respect pour sa propre intimité, il devient extrêmement vulnérable aux sollicitations sexuelles extérieures. Or, vous ne pourrez contrôler toutes ses fréquentations, qu'il s'agisse d'échanges en ligne ou en réel. A l'adolescence, ce renoncement à la pudeur peut avoir des conséquences désastreuses. Les ados d'aujourd'hui font volontiers circuler des photographies les représentant. Ceux qui ont perdu leurs repères peuvent en venir à diffuser du contenu d'eux dénudés et éventuellement à visage découvert; cela fait partie d'un jeu dont ils sont incapables d'apprécier toutes les conséquences - ce genre de photos finissant invariablement par connaître une diffusion plus large que le cercle restreint auquel on les destinait. Parfois la diffusion de ce type de contenu est un moyen désespéré (surtout chez les adolescentes) d'attirer l'attention et les compliments du sexe opposé; une faiblesse que les ados les plus "prédateurs" sauront exploiter, au détriment de leurs camarades les plus fragiles.

 

- Dans d'autres cas, l'enfant va au contraire s'opposer de toutes ses forces à cet abandon de la pudeur auquel l'invite la pornographie. Voir du porno a été pour lui la source d'un trouble qu'il n'arrive pas à gérer: alors son cerveau refoule-t-il ses questionnements dans son inconscient. Arrivé à l'adolescence, quand les interrogations liées à la sexualité resurgissent, l'ado semble incapable de dépasser ce refoulement et d'aller vers l'autre. Son éveil à la sexualité devient synonyme de souffrance.

 

II. PRÉVENIR VAUT MIEUX QUE GUÉRIR

 

A. Ne laissez pas les écrants décider pour vous

 

Soyez méfiants vis-à-vis des contenus qui se disent adaptés à vos enfants

 

"Une communication protégée physiquement mais risquée psychiquement? En tant que parent, on est moins inquiet de voir son adolescent discuter avec des anonymes, chez soi, devant son ordinateur, que de le laisser partir, à quatorze ou quinze ans, dans une soirée où il y aura des inconnus. Pour les adolescents et leurs parents, cette façon de discuter avec d’autres, sans être visible, est souvent rassurante. On estime que, sur les forums, plus de la moitié des gens qui discutent ne le font pas à visage vraiment découvert. Ca peut être alors un risque pour un enfant ou un adolescent s’il prend au pied de la lettre ce qui y est dit" (C)

 

On trouve sur Internet de nombreux espaces, de forums de discussion qui se disent conçus pour un public d'enfants ou de jeunes adolescents. Ces espaces choisissent termes et designs adaptés en vue d'être attrayants, et assurent leur publicité via les autres médias fréquentés par le jeune public. En tant que parent, on espère ces espaces mieux contrôlés. Mais ces derniers fonctionnement généralement de la même façon que ceux pour adultes: les modérateurs censurent les messages qui dépassent, mais nombre d'échanges, et notamment ceux qui se font par messagerie privée, échappent au contrôle. La différence avec les sites d'échanges "pour grands" tient donc essentiellement dans la façon dont ses espaces se présentent, plutôt que dans leur fonctionnement.

 

Ces espaces présentent également un inconvénient: sans imaginer qu'ils pullulent de pédophiles, ils sont néanmoins un terrain de chasse privilégié pour les détraqués de tout bord. Quoiqu'ils en disent, les responsables de ce type de sites n'ont pas de moyens infaillibles pour détecter la présence d'un prédateur.

 

Par exemple, les sites de ChatRoulette et d'Omegle, entre autres, offrent des prestations de "random chat"; ils permettent de mettre en relation de manière aléatoire deux utilisateurs dotés de webcams, ayant été tirés au sort parmi l'ensemble des connectés du site. A chaque mise en relation, l'individu peut "zapper" son interlocuteur en appuyant sur Next, et être redirigé aussitôt vers un nouvel utilisateur. Encouragés par l'anonymat quasi-parfait qui règne sur ce type de sites, un nombre impressionnant d'utilisateurs s'y exhibent ou s'y masturbent. Les deux sites précités ont mis en place des systèmes censés juguler le phénomène (signalement d'utilisateurs malveillants, détection de contenu, etc.), mais ces derniers n'ont que très peu d'effets. Il n'est donc pas rare qu'après quelques secondes de vidéo, l'interlocuteur se dénude ou prenne des positions explicites (D). Or, ces espaces sont très prisés des enfants et des adolescents, qui se retrouvent ainsi de façon totalement imprévisible soumis à des contenus non désirés.

 

On peut déjà se demander s'il est bien nécessaire que des enfants fréquentent des tchats et des forums en ligne. Les enfants ont encore cette capacité à nouer avec facilité des relations amicales avec les gamins du voisinage ou leurs camarades de classe. Aussi, s'ils utilisent ces espaces, c'est surtout par goût de la technologie qu'ils offrent plutôt que par volonté réelle de se faire des nouveaux amis.

 

Informez-vous sur ce que vos enfants voient, et à qui ils parlent

 

"Très peu de jeunes parlent à leurs parents de leurs activités en ligne." (B)

 

Vos enfants ne deviendront donc par des marginaux, s'ils ne sont pas inscrits sur le dernier site à la mode. Mais si malgré tout, vous avez choisi de laisser à vos enfants l'accès aux lieux d'échanges du web, accompagnez-les dans ce qu'ils voient. Soyez présents à leur inscription sur ces sites, pour voir les informations que ces espaces demandent, et celles que vos enfants sont prêts à donner. Soyez également là pour surveiller tout dérapage, et pour aider l'enfant à comprendre la "virtualité" de toute rencontre en ligne.

 

"La contradiction est flagrante : sous prétexte de pudeur, on laisse s’installer l’impudeur la plus totale ; par souci de ne pas choquer l’enfant par des questions trop directes, on l’expose à des images qui non seulement sont choquantes, mais qui le mettent à la merci de personnes qui se moquent de son intimité, comme de leur dernière chemise" (E).

 

Souvenez-vous qu'avant l'adolescence, il n'y a pas de jardin secret devant vous rester interdit.

 

Demandez à vos enfants avec qui ils discutent en ligne, et si des contacts reviennent régulièrement leur parler de façon plus privilégiée - auquel cas, il faudra évidemment surveiller de très près les propos échangés. Demandez-leur s'ils ont déjà reçu des sollicitations à envoyer des photos d'eux, ou à se rencontrer en vrai. Si votre enfant utilise des logiciels de tchat, survellez ce qui s'y dit, ce qui s'y échange. La plupart de ces logiciels (Skype, Windows Live Messenger) gardent un historique des écrits.

 

De la même manière que certains parents ne permettent à leurs enfants de regarder des films, que si eux mêmes les ont déjà vus et validés ou s'ils en ont eu un écho positif, rendez-vous vous-même sur les espaces que fréquente votre progéniture. Vous n'avez pas besoin de le dire à vos enfants, mais rien ne vous empêche de consulter ces forums, pour en évaluer le contenu, la politique de modération, la nature des échanges effectués, les réponses faites à vos enfants suite à leurs messages.

 

Ne laissez pas les écrans décider pour vous

 

"[Les écrans] multiplient pour les enfants, les occasions d’être exposés aux images violentes ou pornographiques. Elle éparpille les membre d’une même famille autour de plusieurs écrans, ce qui rend le contrôle parental plus difficile" (A).

 

Un nombre croissant de parents ont installé, dans la chambre de leur enfant, un poste de téléviseur ou un ordinateur. Certains pour obtenir le « calme », d’autres afin de paraître « aussi cool que les parents » (B) qui ont accordé cela à leur propre descendance.

L'enfant en est à un âge où il ne dispose pas d’un esprit critique lui permettant d’analyser avec une distance suffisante ce qu’il voit. Aussi, jusqu’à l’adolescence, regarder la télévision ou aller sur Internet devra se faire depuis un ou plusieurs postes postes uniques placés à un endroit passant, visible de tous dans la maison, par exemple dans le salon.

 

Ne cédez pas aux sirènes de vos enfants, qui pourraient vous réclamer un téléviseur ou un ordinateur dans leur chambre. En agissant ainsi, vous perdrez toute possibilité de contrôler ce qu'ils voient la nuit tombée ou la porte fermée. Un enfant de huit ans n’a absolument pas besoin d’un ordinateur ou d’un téléviseur pour lui tout seul. Rappelez-lui qu'un ordinateur et/ou un téléviseur sont disponibles dans la maison, mais que chez vous, on ne se cache pas pour les utiliser.

 

Abordez avec la même vigilance la question du téléphone portable. Fournir à votre enfant un téléphone peut avoir son intérêt, par exemple si votre enfant est amené à effectuer seul le trajet entre la maison et l'école. Mais l'accessibilité à Internet ne lui est sans doute nullement nécessaire, dès lors qu'il lui est tout à fait possible de surfer sur l'ordinateur familial. Vous n'avez donc pas à activer une option de connexion en ligne sur le smartphone confié à votre enfant.

 

Votre enfant attend inconciemment cette surveillance de votre part, même s'il affirme le contraire. Vous êtes l'adulte, vous constituez -encore!- une référence normative pour lui. Si vous ne l’encadrez pas aujourd’hui, il pourrait vous le reprocher à l’âge adulte.


Et si vous êtes faites partie des technophobes que le contact avec un ordinateur rebute... eh bien il va falloir vous y mettre ! Cette réticence que vous avez avec les écrans, vous enfants ne l'auront pas, car le Net fait partie de leurs codes générationnels. "Internet n’est pas aussi compliqué que vous le pensez, vous pouvez très facilement préserver vos gamins de ces horreurs qu’ils n’ont pas à voir. Un enfant de 7 ans y arriverait" souligne le journaliste Jacques Henno (A). L'utilisation du Net est en effet globalement aisée, les sites étant conçus pour être consultés par un public large.

 

N'hésitez pas à vous faire aider d'un bon logiciel de contrôle parental.

 

Définissez des codes de sécurité qui ne soient pas évidents. "Nous recommandons aux parents qui utilisent un logiciel de contrôle parental de penser à changer le code d’accès de celui-ci, car la plupart des enfants de plus de 6 ans savent que le code par défaut est une succession de zéro, ou de chiffres de 1 à 4 !" (B). Fuyez aussi les combinaisons faciles (de type azertyuiop), les renvois à des éléments familiers qu'ils pourraient deviner (prénoms des enfants, d'un nom de jeune fille, d'un animal de compagnie)
Testez régulièrement ce logiciel. Certains enfants, parmi les plus à l'aise avec la technologie, auront pu trouver différents biais de faire sauter la protection sans que vous en ayiez forcément immédiatement conscience.

 

Enfin, donnez-vous même l'exemple! "Les parents parfois ne sont pas conscients de représenter des modèles, d’incarner un mode de vie, d’induire des préférences pour certains choix d’objets. Celui qui, dès qu’il rentre de son travail, se « scotche » devant la télé pour oublier le boulot et les soucis, et ne communique pas avec son entourage, inculque l’idée que l’écran peut être thérapeutique et lui permettre de régler une partie de ses problèmes. Un autre qui passe tout son week-end à surfer sur son ordinateur, sans sortir de chez lui, sans partager une activité avec son conjoint, sans s’intéressser à ses enfants, qui reste connecté en permanence sur Internet pour s’évader de ses soucis professionnels ou conjugaux, celui-là place l’écran à l’intérieur de la famille, et l’enfant en prend conscience" (C).

 

B. Apprenez-leur à surfer en toute tranquillité

 

Internet n'est pas votre ennemi !

 

Soyons clairs: vous n'empêcherez pas longtemps vos enfants d'utiliser Internet. Un enfant qui n'irait pas sur Internet aura tendance à être marginalisé du groupe, car il ne partagerait pas les mêmes codes que ses camarades. Cela risque également de pâtir à son développement scolaire, les institutions utilisant de manière de plus en plus récurrente le Net dans leurs travaux (par exemple en demandant des recherches en ligne). De toute manière, si vous à interdisiez à vos enfants l'accès au Net, vous ne feriez que les inciter à surfer sur des écrans hors de votre contrôle (ordinateurs d'amis par exemple)

 

Rappelons également que si le Net a amené la pornographie à la porte de tous les foyers, il a également ouvert un champ infini de connaissances. Le Net n'est que le média de transmission de l'information; il ne viendrait à personne à l'idée de vouloir la suppression de la technologie DVD sous prétexte qu'elle a servi entre autres à la diffusion de films pornos.

 

Non, ce qui ici est vital est d'accompagner vos enfants, en leur expliquant, dès les premiers surfs, le caractère fictionnel de beaucoup de contenus. Cette leçon devra être rappelée autant de fois que nécessaire.

 

Expliquez-leur qu'ils peuvent vous parler de ce qu'ils voient, sans crainte de la punition

 

Rappelez à vos enfants qu'ils ne doivent pas hésiter à venir vous voir s'ils ont vu un contenu les interpellant ou les gênant. Expliquez leur qu'ils ne seront pas punis, mais que vous avez besoin de savoir ce qu'ils ont vu, afin de vérifier que rien de ce qui passe devant leurs yeux n'est pas dangereux pour eux.

 

Comme expliqué plus haut, le contact d'un enfant avec la pornographie est généralement involontaire, ou subi. Il est donc parfaitement contreproductif de menacer vos enfants d'une punition s'ils venaient à voir du porno. Pire; si vous en faites un objet de sanctions, vous pouvez avoir la certitude que vos enfants se garderont bien de vous informer s'ils ont vu de la pornographie. Par peur de la sentence, ils conserveront au fond d'eux ce trouble qu'a ammené le visionnage.

 

Enseignez-leur les bases fondamentales de la prudence en ligne

 

Vos enfants entreront en contact avec d'autres utilisateurs sur les forums et les tchats. Il faut dès les premiers surfs inculquer à vos enfants quelques règles et principes essentiels du comportement en ligne:

1) Expliquer à vos enfants que, de par l'anonymat régnant sur le Net, on ne peut avoir aucune garantie de qui se cache derrière un pseudo ou une adresse email, sauf si évidemment on connaît dans le monde réel cette personne. Expliquez qu'un pseudonyme, ce n'est pas une identité;, mais plutôt une sorte de masque que l'on revêt pour incarner un personnage en ligne.

2) Rappelez qu'il ne faut jamais diffuser de contenu personnel sur Internet. Expliquez à vos enfants que tout contenu mis en ligne devient dupliquable et utilisable à l'infini; que tout cliché ou vidéo personnel qu'ils enverront sur le Net, échappera à jamais à leur contrôle.

3) De la même façon, expliquez à vos enfants qu'ils ne doivent jamais non plus donner de numéro de téléphone ou d'adresse. Les espaces en ligne destinés aux enfants et aux préadolescents ne sont pas des sites de rencontre mais des lieux de dialogue. Toute demande de coordonnées personnelles est donc particulièrement suspecte.

4) Rappelez-leur qu'il ne faut jamais discuter avec un adulte inconnu en ligne. Les adultes n'ont rien à faire sur les espaces dédiés aux enfants ou préadolescents. Nhésitez pas à signaler aux modérateurs de ces espaces la présence évidente d'un adulte.

 

Apprenez également à vos enfants à reconnaître quelques comportements-type, qui leur permettront de détecter que leur interlocuteur n'est vraisemblablement pas un enfant. Notamment:
1) Si leur interlocuteur leur demande leurs coordonnées précises (véritable nom, adresse, téléphone) surtout dès les premiers temps du dialogue;
2) Si leur interlocuteur leur envoie très rapidement une photographie. Certains prédateurs envoient rapidement des photos "d'eux" à leurs proies potentielles -il s'agit en fait généralement de photos récupérées sur le Net, ou obtenues lors d'un précédent échange. Mais celui qui envoie une photo, le fait généralement dans le but d'en recevoir une en retour. Or la plupart du temps, sur Internet, les gens n'ont pas besoin de se voir pour échanger. C'est un des codes sous-jacents à l'utilisation du Net: on se "connaît" sans se voir.

3) Toute discussion où l'interlocuteur souhaite obtenir des informations sur l'expérience sexuelle ou amoureuse de l'enfant est évidemment extrêmement suspecte.

 

III. QUE FAIRE SI MON ENFANT A VU DU PORNO ?

 

A. Comment savoir si mon enfant a été exposé à de la pornographie ?

 

Jusqu'à environ l'âge de 8 ans, il se peut que votre enfant vous l'explique tout simplement, tout naïvement, avec ses mots à lui.


Mais à partir de 8 ans, il ne se vantera pas d'avoir visionné ce type de contenu. Il a en effet conscience que ces contenus ne sont pas pour lui, et peut craindre une éventuelle punition s'il avouait son acte - d'où la nécessité de ne pas faire du sujet un objet de sanctions, pour ne pas fermer le dialogue.

 

On peut sinon savoir si un enfant a vu de la pornographie:
- par la recherche dans l'historique des navigateurs, ou dans les fichiers caches ou récemment téléchargés;
- si on observe un brusque changement de comportement - enfant semblant soudainement plus rebelle, plus agressif, comme si quelque chose le perturbait.

 

B. Une seule solution: le dialogue

« La tendance chez les parents, c’est de laisser leurs enfants seuls devant la télé, sans rien verbaliser, sans rien expliquer » déplore le journaliste Jacques Henno (A).

 

Si vous avez découvert que vos enfants ont regardé de la pornographie, il est indispensable d'en parler avec eux. "Lorsqu'un enfant voit des vidéos (ou des images) à caractère pornographique, ça a un impact sur son développement psychique, plus ou moins important selon sa personnalité et son histoire", explique la psychologue spécialisée dans la famille Sonia Prades (F). Cet événement aura nécessairement une dimension choquante pour vos enfants, il faut donc dégoupiller la situation avant qu'elle n'évolue en un trauma qui leur sera préjudiciable à terme. Vous êtes en position idéale pour évoquer le sujet avec eux, dans le cadre tranquille de la vie courante, permettant d'éviter la dramatisation. Si cependant vous ressentez chez vos enfants une gêne pudique à parler de ces choses-là avec vous, ou si vous même êtes complètement bloqué à l'idée d'évoquer des questions liées à la sexualité avec vos enfants, alors orientez vous vers une structure d'écoute, comme par exemple une infirmière scolaire, le planning familal ou bien encore un psychologue (F).

 

Il faut absolument corriger le tir le plus tôt possible, en expliquant aux enfants que ce qu'ils ont vu est bien une mise en scène très particulière, un spectacle, et que les gens « réels » ne font pas comme dans les vidéos et les photographies pornographiques. Il faut leur expliquer que les adultes, quand ils ont ce type de rapports, y mettent de l'affection, de la tendresse que ne leur montrera pas la pornographie.

 

Il faut également rappeler aux enfants que leur corps est sacré, et qu'il n'est en aucun cas une marchandise. Il faut leur rappeler qu'il est fondamental de respecter son corps et celui des autres, et que dans les vidéos pornographiques, les corps sont tout sauf respectés.

 

Si vos enfants ont vu des images, ils font probablement face à une réelle angoisse, car ce que montre la pornographie est à mille lieux de leur univers enfantin. Alors n'ayez pas peur de parler sans ambages; vos enfants attendent des réponses concrètes capables d'apaiser leur trouble.

 

Enfin, ne soyez pas dupes : si les codes générationnels évoluent, vos enfants ne seront pas matures plus vite que les autres pour autant. Ils peuvent très bien, à 11 ans, vous expliquer en long et en large l’acte sexuel, et utiliser devant vous des mots crus pour tenter de vous choquer. Cela ne change rien au fait qu’ils ne sont pas encore mûrs pour comprendre tous les enjeux de la sexualité.

 

Ainsi, les animateurs du Fil Santé Jeunes, service téléphonique gratuit d’information sur la sexualité destiné aux adolescents et préadolescents, accesible au 0800 235 236, notaient à la fois une radicalisation de certaines questions techniques, sous l’influence du porno, et en même temps, la progression de questions beaucoup plus candides comme « comment embrasser la première fois ». Les enfants et préados ont tout vu, mais ne comprennent pas tout, car ils n'ont pas encore toutes les clés de la sexualité. A vous d'être là pour qu'ils trouvent des réponses à leurs questions, afin qu'ils ne soient pas tentés de croire que les réponses se situent dans la pornographie.

 

 

AFREG - 3ème version de l'article - avril 2020.

 

Citations:

 

A. Les enfants face aux écrans : pornographie la vraie violence, par Jacques Henno, Editions SW-Télémaque, 2004.

B. La cyberdépendance en 60 questions, par Jean-Charles Nayebi, Editions Retz, Collection Santé, 2007.
C. Accros à l’écran ? Et pourquoi pas ! Du Tamagotchi au Cybersexe, Entretiens avec Jean-Claude Matysiak et Odile de Sauverzac, Editions PASCAL, Enquête, 2006.

D. ChatRoulette, http://fr.wikipedia.org/wiki/Chatroulette, page au 31 août 2014.

E. Défi à la pudeur: quand la pornographie devient l'initiation sexuelle des jeunes, Albin Michel, A.M. Psychologie, par Gérard Bonnet, 2003.

F. Au secours, il a vu des images pornographiques!, Femme Actuelle, 3 septembre 2017.

 

 

 

 

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